J'avais dit "Lundi soir au plus tard", je n'avais pas précisé la date du lundi en question... (sourire).
Alors...
Cette histoire... Hum, je ne sais pas comment je vais pouvoir vous la raconter sans que vous ne préveniez la clinique psychiatrique la plus proche de chez moi (dans le 13) pour m'y faire interner...
J'ai déjà écrit le voyage, et ses 7 étapes, sous forme de lettres à Johnny Cash alias Mister Petites Ombres sous les yeux, mais je ne peux décemment pas vous les restranscrire telles quelles.
Je peux juste vous dire qu'à chaque étape correspond une chanson:
L'étape 1, la première fois, est liée à Crazy (Patsy Cline)
L'étape 2, la colère, à Wish you were here (Pink Floyd)
L'étape 3, l'évidence, à Bridge over trouble water (mais la version de Fiona Apple & Johnny Cash (ben ouais))
L'étape 4, le labyrinthe, à In my head (Queens of the stone age)
L'étape 5, l'ultimatum, à Stairway to heaven (Led Zep)
L'étape 6, le retour, à The return to Oz (Scissor Sisters)
L'étape 7, enfin, est intimement liée à I walk the line (Johnny Cash, of course).
Pour simplifier la donne, pour vous éviter d'avoir à lire les nombreuses pages de ma déclaration d'amour, pour protéger cette intimité qui est la nôtre (enfin, ma Confidente est quand même, faut l'avouer, largement au courant ;) ), je vais vous épargner "Le voyage, l'intégrule" et passer directement à la fiche de lecture (hahaha).
Johnny Cash et moi, c'est une histoire d'étapes. Au commencement, il y a eu ses petites ombres sous les yeux, le constat que j'en ai fait, et le lien que j'ai dessiné entre ses petites ombres et "Brokeback Mountain" (le film d'Ang Lee, et la nouvelle d'Annie Proulx). Vous allez me dire, m'enfin, on ne tombe pas amoureuse d'un mec parce qu'il a des cernes et que ça te rappelle une romance gay entre deux cowboys.
Certes.
(rires)
Sauf que les Petites Ombres ne sont absolument pas des cernes, et que Johnny Cash n'est pas gay. Mais j'ai toujours été un peu siphonnée, si vous voulez tout savoir, et pour comprendre cette histoire, il faut comprendre en quoi consiste la quête de "ce qui se trame derrière", et donc plonger d'un seul coup, sans décompte préalable, dans l'univers parallèle.
J'ai été mariée, j'ai été mère au foyer, j'ai laissé mes envies profondes et mes pulsions superficielles (et vice versa) se noyer sous les matins télé, les après midi télé et les soirées télé (je schématise à peine). En bref: j'ai oublié qui j'étais, comme nombre de femmes mariées à de braves (c'est pas le mot...) machos.
Le jour où j'ai tout envoyé en l'air, j'ai connu, comme il se doit, une bonne période de dépression avec la mention "passage de la vie d'une nana de 27 ans qui croit qu'elle en a 10 de plus à la vie d'une nana qui a également 27 ans mais croit qu'elle en a 10 de moins": le grand n'importe quoi.
Bridget à côté, vraiment, c'était une mémère en puissance. Puis j'ai repris mes études, je me suis découvert une folle passion pour le Droit Constitutionnel français, j'ai recommencé à lire, à lire, à lire, à écrire, à fumer (mwahahaha), à voir mes amis, je m'en suis fait de nouveaux, j'ai rencontré tout plein de gens très différents, qui m'ont beaucoup appris pour la plupart, j'ai découvert le plaisir inégalable des après-midi seule dans un café, avec juste mes cahiers, mes bouquins, mes clopes (re-mwahahaha) et mon imagination de plus en plus galopante. J'ai écrit des tonnes de nouvelles et de romans, que je ne terminais jamais (le syndrôme Karl Marx dans toute sa splendeur, le talent en moins ;)), de lettres jamais envoyées, et de blablas inintéressants pour quiconque n'est pas moi (et ça fait pas mal de monde en fait). Et c'est là que j'ai créé l'univers parallèle: avec tout ce que j'aimais, et une bonne dose de folie douce.
C'est ainsi que mes rencontres importantes sont devenues des Entités, qui portaient des noms étranges (L'Amazone, La Reine des Songes, La Muse, l'Homme aux petites ombres, Le Poète, le Fil...j'en omets certains, volontairement) directement en rapport avec leur signe distinctif: parce que oui, j'allais d'autant plus volontiers vers les autres quand je leur trouvais un signe, une marque, quelque chose qui les rattachait à la quête de "ce qui se trame derrière". Et "ce qui se trame derrière", ce n'est ni plus ni moins que la certitude qu'il se passe, sous nos yeux mais hors de leur portée, en chacun de nous, quelque chose qui nous dépasse. L'essence de l'être, quelque chose de cet ordre là...en réalité, je n'ai toujours pas, à ce jour, élucidé ce mystère, et je doute sérieusement de connaître un jour la réponse à cette idiote question. Mais j'ai peu à peu constaté que nombreux étaient ceux qui creusaient en profondeur, que ce soit l'âme, le corps, la gestuelle, le désir...humains.
En lisant Norman Mailer, Charles Bukowski, Henry Miller, mais aussi, autrement, Paul Auster, John Irving, Jim Harrison, ou encore Alice Ferney, on se rend bien compte que la nature de l'homme peut être aussi méprisable qu'émouvante, mais on s'aperçoit surtout d'une ambivalence dérangeante: ce qui rend l'Homme méprisable le rend, justement, souvent très émouvant. Dans l'univers des vrais durs, je me suis attachée à toutes ces failles honteuses qui font de l'Homme un être si complexe. Les blessures qui engendrent les barricades, les pulsions destructrices, les déviances sexuelles, les mensonges par omission, les fluides corporels pour les sensations qui provoquent leur écoulement (je sais, je suis gore), le pouvoir de la parole, les regards fuyants, les mauvais prétextes... J'ai du mal à expliquer ce que je veux dire par là. Néanmoins, ils sont nombreux les aventuriers de l'horreur et de la misère humaines, et moi, je les reconnais grâce aux signes distinctifs.
Dans l'univers parallèle, il y a quelques mots et images récurrents: le jeu (de dés, surtout, mais aussi pile ou face, les jeux de cartes, particulièrement le poker pour le bluff, ou les échecs), "Il n'y a pas de hasard", "définitivement je n'oublie pas", "Rien n'était terminé, rien n'était commencé, rien n'était résolu" (Brokeback Mountain)...j'en passe.
Bon, ça commence à bien faire, cette description de l'univers parallèle semble, à la relecture, incompréhensible et très prétentieuse, donc pour faire simple: matez-vous "Big Fish" de Tim Burton à l'occasion, ou "La double vie de Véronique" de Kieslowski, ou bien sûr "Le secret de Brokeback Moutain". Vivre sa vie comme on l'écrirait, en tenant compte de chaque détail, en donnant de l'importance à chaque anecdote, sublimer les êtres et les relations, leur donner enfin la place essentielle que tout un chacun choisirait s'il pouvait, l'espace d'un songe, dessiner une vie plus exaltante...voilà, c'est peut-être ça, en fin de compte, tout le sens de cet univers.
Ouf (sourire), j'ai fait le tour de la question.
Et pour en venir aux faits, quand j'ai rencontré Johnny Cash, j'en étais à un moment charnière de ma reconstruction, juste à la fin d'une longue période d'assainissement par univers parallèle interposé, si je peux dire (sourire). Et c'était le début de quelque chose. Je voulais commencer une autre existence. Et c'est avec lui que j'ai choisi d'ouvrir ce livre-là.
Ca aurait pu être simple. Ca aurait pu.
Sauf que Johnny Cash ne voyait pas les choses sous cet angle. L'univers parallèle, ça le faisait sourire, Big Fish, il avait adoré, Le secret de Brokeback Mountain, il l'avait vu, mais il ne comprenait pas bien où je voulais en venir, et puis surtout, il savait que s'embarquer dans une histoire loufoque dans un univers déjanté avec une follasse de 28 ans affublée de deux appendices hurlants (entendez: mes petits monstres), ben c'était pas, globalement, une perspective qui l'enchantait (tu m'étonnes).
Et le voyage, puisqu'il était question du voyage, semble-t-il, c'est tout ce qu'il m'a fallu traverser, affronter, inventer, dessiner, pour lui prouver que si j'avais l'air folle, je n'avais pas la chanson (enfin...pas toutes les paroles, quoi...rires), que mes deux appendices hurlants s'avéraient être, dans les bons jours, des enfants drôles et attachants, que mon univers parallèle n'était ni plus ni moins qu'une façon de transformer une existence somme toute très banale en épopée palpitante, que mes Entités n'étaient, finalement, que des gens intéressants et aimables au sens premier du terme, que malgré les apparences, ce n'était pas l'enfer d'être mon mec (enfin, pas tous les jours), et que l'amour que je lui portais était immense.
Ca a pris 6 mois.
6 longs mois d'attentions, de stratégie, de mises en scène, 6 mois à ravaler mes larmes parfois, à passer après toutes les autres, à partager des instants forts, à cacher des secrets magiques, souvent, 6 mois à apprendre "l'amour nu", dans l'ombre et...l'humilité.
Le 16 février 2006, j'ai recommencé ma vie.
Le 16 février 2007, je lui ai offert "Le voyage" relié, et illustré avec des copies couleur de tous les petits cailloux que j'avais semés le long de ma route (sourire).
Il m'a offert une magnifique version d'Alice au pays des merveilles, pour la symbolique et surtout pour que je puisse le lire à mes enfants, et deux dés, pour les jeter autant de fois qu'il le faudra.
Il m'aura fallu attendre 28 ans pour apprendre à aimer les hommes, 28 ans pour découvrir que je portais un voile devant les yeux, qui travestissait toutes mes relations à l'Autre, 28 ans pour pouvoir dire "C'est Lui, c'est avec Lui que je veux construire ma famille, c'est auprès de lui que je veux vieillir".
Il m'aura fallu toutes ces années de châteaux édifiés patiemment puis détruits en toute hâte, de châteaux édifiés en toute hâte puis détruits patiemment, pour me libérer du poids du regard des gens que j'aime, et de ce que j'y lisais, peut-être à tort.
Aujourd'hui, il me reste beaucoup à apprendre, mais j'ai enfin compris que je ne devais, que je ne pouvais, me fier qu'à moi-même pour mener ma barque, que la vie des autres, aussi douce qu'elle puisse être, ne sera jamais la mienne, que ma vie, aussi chaotique qu'elle ait pu être, ne sera jamais celle des autres, même avec la meilleure volonté du monde. Et...tant mieux.
J'ai dit adieu aux dogmes et aux idées toutes faites, j'ai dit adieu aux discours culpabilisants sur le "comment il faudrait faire", et, alors que j'ai cru, parfois, avoir tout vu, tout entendu, et tout savoir, pour reprendre cette chanson de Jean Gabin que Johnny Cash affectionne tout particulièrement, "maintenant je sais que je ne sais pas."
Voilà, c'était une petite ouverture sur mon monde, une petite ouverture sur notre histoire.
Merci aux plus téméraires d'entre vous de l'avoir partagée le temps d'un article de blog... ;)
L